Le bail commercial et ses subtilités

Le bail commercial est un incontournable du monde des affaires. Il se négocie souvent à prix d’or selon la localisation du local et l’on a tendance à s’arrêter aux conditions de vie du contrat lors des négociations (loyer, modalités de révision du loyer, partage des charges…). Pourtant, il est des clauses qui devraient être davantage regardées et négociées dès la conclusion du bail. Je pense notamment aux conditions de sous-location, de résiliation et de jouissance du bien.

Les conditions de sous-location

Par principe, la sous-location d’un bail commercial est interdite dans les contrats de bail. Cela tient au fait que le contrat est nécessairement intuitu personae et a une destination limitée (activité exploitée). Le propriétaire doit savoir qui occupe ses locaux et quelle activité y est exploitée.

Cependant, il pourrait arriver que le locataire cesse l’exploitation de son fonds et se retrouve engagé à payer d’importants loyers, pendant plusieurs années, sans les ressources adéquates.

Dans ce cas, il serait préférable, tant pour le propriétaire que pour le locataire, de prévoir, dès la conclusion du contrat, une possibilité de sous-location avec, par exemple, agrément du propriétaire, délimitation du type d’activité exploitable, conditions de loyers et de responsabilités réciproques.

Actuellement la sous-location n’est possible qu’après accord expresse du bailleur (à demander par lettre RAR), accompagné d’un formalisme et de délais contraignants. Cette solution est peu propice à la rapidité et la réactivité dont doivent faire preuve les entrepreneurs d’aujourd’hui.

Locataires, bailleurs, pensez à ce plan B dès la négociation de votre contrat!

L’indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement dépourvu de motif ou pour motif équivoque

Cette indemnité est due lorsque la résiliation est initiée par le propriétaire, suite au refus de renouvellement du bail dépourvu de motif légitime.

A ce titre, La Cour de cassation a rappelé, dans son arrêt du 28 juin 2018 (n°17-18.756), qu’ « un congé délivré sans motif ou pour motifs équivoques par le bailleur produit néanmoins ses effets et met fin au bail commercial, dès lors que le bailleur est en toujours en droit de refuser le renouvellement du bail à la condition de payer une indemnité d’éviction (3e Civ., 1er février 1995, pourvoi n° 93-14.808, Bull. 1995, III, n° 35 ; 3e Civ., 28 octobre 2009, pourvois n° 07-18.520 et 08-16.135, Bull. 2009, III, n° 234) ; que la nullité de ce congé prévue par l’article L. 145-9 du code de commerce est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; que celui-ci peut soit renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction et en se maintenant dans les lieux en l’attente de son paiement en application de l’article L. 145-28 du même code, soit s’en prévaloir en optant pour la poursuite du bail ; que, par suite, la circonstance que le preneur reste ou non dans les lieux est sans incidence sur les effets du congé irrégulier« .

Les limites de l’offre de vente d’un local commercial au locataire

L’article L 145-46-1 du code du commerce oblige le bailleur, désireux de céder son local commercial, d’en informer le locataire en précisant le prix et les conditions de la vente envisagée. L’acceptation de l’offre par le locataire vaut vente.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 juin 2018 (n°17-14.605), est venue préciser que le prix proposé au locataire ne doit pas comprendre les frais d’agence qui auraient été répercutés sur le prix de vente proposé à un tiers.

Cette solution semble justifiée : le locataire doit être informé de la vente, sans que le veneur n’ait à passer par l’intermédiaire d’un agent immobilier, c’est une obligation légale. Dès lors, le locataire n’a pas à supporter les frais de recherche d’un acquéreur que le vendeur engagerait s’il devait trouver un tiers acquéreur!

Une application restreinte de l’article L145-46-1 du code de commerce

Cet article, précédemment cité, ne s’applique pas, selon la Cour de cassation (Com, 17 mai 2018, 17-16.113), lorsque le local commercial fait partie d’un ensemble plus vaste d’immeubles et de terrains, constituant l’actif d’une SCI mise en liquidation et que cet ensemble fait l’objet d’une vente aux enchères publiques.

Autrement dit, l’article L154-46-1 du code de commerce, d’ordre public, ne s’applique que lorsque la vente porte exclusivement sur le bien loué, non sur un ensemble plus vaste de biens immobiliers comprenant le bien objet du bail commercial.

 

L’actualité juridique est pleine de subtilités qui doivent alerter bailleurs et preneurs, dès la conclusion de leur contrat, au risque, à défaut, de créer des contentieux longs et coûteux!